Avez-vous vu mon chien? – Monologue – comédie dramatique 1


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Avez-vous vu mon chien?

Monologue – comédie dramatique

Monologue en un seul acte

Victor M. Sant’Anna
(pour ma copine)
13 Juin 1999

Traduzido para o francês por Vanessa Caçarino (vmc-traducoes@gmail.com)

Synopsis: une personne « exclue » (sans-abri ou en fuite d’une quelque institution) parle longuement de son passé. Le personnage peut être masculin ou féminin, de sorte que le texte peut être représenté par un acteur ou une actrice.

Lors des élections dans le tiers monde, ce texte s’introduit parfaitement car il aborde les questions sociales et la politique. « Avez-vous vu mon chien? » est un « dramédie » qui raconte le drame de vivre dans les rues avec un ton de comédie.

Après avoir été inédit pendant plus de 10 ans, ce texte a été découvert en 2010 et mis en scène dans plusieurs villes du Brésil: Manaus/AM par Wallace Abreu, Santa Maria/RS par Ícaro Costa et Porto Alegre par Daniel Menezes, dirigé par Cristina Bahia.

Avez-vous vu mon chien?

– Avez-vous vu mon chien?
Humm… Il est temps d’élection, n’est-ce pas? J’ai voté à ce maire-là qui a construit des viaducs. Bon maire! C’est bon des viaducs, quand on n’a pas de maison… À cette époque, tout le monde venait vivre sous les viaducs, mais le maire toujours faisait construire un autre. Quand un viaduc était plein, ils avaient bientôt un autre prêt. La planification urbaine! Plus les gens sont venus, plus des viaducs il a construit. Un, deux, trois, dix… S’il n’avait pas fui vers la Suisse, il y aurait tourné viaduc seulement! Ce n’était pas un viaduc médiocre, avec des gouttières, non. C’était un viaduc de qualité! Il a même fait construire des viaducs où les voitures n’allaient pas! Très agréable, il n’a manqué que voter pour moi.
Puis est venu un maire qui a aidé les pauvres… celui-là… Il nous donnait de la nourriture quand il était candidat, il y avait une queue immense, il nous serrait la main. Serrait la main et prenait des photos. Il ne serrait pas la main s’il n’y avait pas de photos, si le photographe n’était pas là il ne s’approchait pas. La nourriture qu’il nous donnait, il n’avait pas le courage de la déguster, même pas mon chien ne mangeait pas cela. Mais alors, les politiciens sont comme ça… ils serrent la main des pauvres avant les élections et des riches après… Pour moi un bon maire c’est celui qui fait construire des viaducs pour que les gens habitent dessous et pas ceux qui donnent de la nourriture aux misérables. Parce que bien ou mal, nous sommes habitués à nous tourner, les déchets alimentaires des riches sont beaucoup mieux que la nourriture qu’ils nous apportent au moment des élections. La nourriture qu’ils apportent ne vaut rien. C’est insipide. Et c’est très fétide. Puis, vous ne pouvez pas rester ici ou dormir, l’odeur est insupportable. Nous pouvons même mourir intoxiqués par l’odeur!
Je parle trop? Je ne parlais pas tellement avant… j’ai commencé à être de plus en plus solitaire et maintenant je parle tellement… tellement… même mon chien ne peut pas le supporter parfois. Il ne réclame pas beaucoup, mais il va faire des tours quand il est fatigué de m’écouter. Il revient toujours, mais j’ai peur qu’il décide de sortir pour acheter des cigarettes… Car les gens, quand ils sortent pour acheter des cigarettes… vous le savez, ce n’est pas toujours qu’ils reviennent.
À l’école, la professeure a dit: Vous êtes le futur de la nation, vous devez apprendre à parler et écrire bien! Je ne pouvais pas dire ce que je sentais, j’essayais, j’essayais, j’essayais… mais personne n’écoutait ce que je disais… Je voulais parler ce que je sentais, mais je ne savais pas comment! Personne ne m’a appris cela. Nous étions là pour faire ces comptes sans fin, je ne l’ai jamais pu apprendre par coeur. Personne ne m’a appris à expliquer mes sentiments. Cela j’ai appris beaucoup plus tard. Les comptes… Je comptais sur mes doigts. Et je dessinais. Je passais mes jours à dessiner et à peindre. Oh, comme il était inutile! Je peindrais le ciel bleu. Tous les jours. Le ciel bleu, la terre marron, le gazon vert! Le ciel bleu, la terre marron, le gazon vert… Le ciel bleu, la terre marron, le gazon vert…
Un jour, j’ai peint le ciel gris et le sol gris. Il a été le jour où j’ai appris à peindre ce que je sentais… Fier, je l’ai montré à la professeure. Je savais qu’elle serait fière de moi aussi. Elle a été furieuse.
– Avez-vous déjà vu du gazon gris? Peint-le bien, maintenant!
Je voulais dire que ce n’était pas du gazon, que c’était du ciment, du trottoir de ciment, mais pensez-vous qu’elle a laissé? Elle ne s’arrêtait pas pour m’écouter! Je ne pouvais que bégayer:
– Mais… mais… mais… professeure…
– Allez peint, je vous dis! Vous voulez que les gens pensent que je n’enseigne pas bien les choses? Vous voulez contester mon autorité? J’ai plusieurs années d’expérience, vous entendez? Vous pensez savoir plus que moi, c’est ça? J’ai étudié 10 ans dans l’université, j’ai fais de la spécialisation et alors une petite merde vient me dire comme on peint un dessin? Il ne suffit pas que vos parents veulent m’apprendre à faire mon travail? Il ne suffit pas que le secteur éducatif essaie de m’apprendre à faire mon travail? Tout le monde veut mettre le nez ici! Même le directeur veut changer mes cours! Qui a jamais entendu parler! Il n’utilise même pas des chaussettes! Qui a jamais entendu parler de quelqu’un qui enseigne et n’utilise pas des chaussettes?
– Mais… mais… mais…
On m’a envoyé au bureau du directeur, à cause d’indiscipline. Le directeur ne savait rien sur l’enseignement, comme j’ai pu vérifier par l’absence de chaussettes.
– Asseyez-vous, mon garçon.
– Oui, monsieur.
– La professeure est votre seconde mère, vous savez?
J’étais perplexe. Cette information était nouveauté pour moi!
– Mais nous l’appelons tante!
Qu’est ce que c’est ça, mon garçon? Quelle indiscipline. Je veux du respect, d’accord?
Avez-vous remarqué comme les gens veulent toujours nous procurer des parents?
Le collège c’est chouette, mais vous devez respecter le professeur. Vous devez faire exactement ce que le professeur vous dit, sinon… Une fois, un professeur m’a frappé. Il a toujours dit:
– Celui qui se trompe dans les comptes ne vaut rien!
Il considérait important de faire bien les calculs. Je savais comment faire l’équation même les yeux fermés, je connaissais le sinus, le cosinus, le cosécante hyperbolique, la transposition de la matrice, le calcul différentiel, le calcul intégral,  même le calcul rénal je connaissais. Mais quand il était l’heure de faire les petits comptes… toujours je me trompais. Et le vieux professeur venait avec le doigt levé:
– Celui qui se trompe dans les comptes ne vaut rien!
Je faisais, je refaisais et faisais tout à nouveau et j’avais toujours les notes basses. J’étais sur le point d’abandonner l’école quand j’ai découvert qu’il s’était trompé dans la somme de mes notes. Il n’a pas demandé pardon ou quoi que ce soit, il seulement a dit que c’était une petite erreur, mais je l’ai dit:
– Celui qui se trompe dans les comptes ne vaut rien!
J’ai reçu une bonne fessée, mais il a valu la peine!
La directrice de l’école, après parler avec tout le monde pendant quelques jours, m’a appelé pour une conversation. Je me suis assis à côté du professeur, en silence.
– Cette affaire est très grave. Nous ne pouvons pas permettre ce type de violence dans notre institution. Nous avons une tradition d’enseignement qui doit être préservé! La direction a décidé à l’unanimité et tous ont appuyé la décision qui sera prise. La seule décision possible est l’expulsion. J’ai même dit doucement:
– Tout cela à cause d’un moment de fragilité?
Je me suis même dit:
– Le pauvre… ils vont expulser le vieux professeur!
Qui pensez-vous qu’ils ont expulsé? Pensez-vous qui a été lui? Pensez? Pensez-vous? Quelqu’un ici le pense?
Professeur… Je comprends leur côté. Le directeur appelle et dit:
– Faites comme ça, de cette façon! Faites comme je dis, c’est comme ça que j’ai appris!
– Ah, c’est pourquoi!
Je n’aurai pas le courage de mettre même mon chien dans cette école.
Les gens veulent toujours nous procurer des parents. Pourquoi, ça?
Il avait un candidat qui a insisté qu’il était mon père. Alors, où avez-vous vu une chose pareille? Je ne voulais pas être le fils de politicien! Ils sont venus et ont dit:
– Cet homme est le père de pieds nus!
On a déjà eu ici le père des pauvres, le père des sans-chemises, le père des sans-abri, le père de pieds nus… On est plein de politicien qui veut être notre père.
Il y a été l’un qui a pris nos vêtements et a distribué des chemises qui disaient « un tel, le père des abandonnés ». J’ai dit que c’était mal écrit, mais ils ont dit de me taire et de sourire pour la photo.
– Pouvez-vous me donner ma chemise? C’est jaune.
Ma chemise de la sélection était beaucoup mieux que cette merde qu’ils nous ont donnée.
– C’est dans le camion, nous allons tout brûler.
– Mais je vais vous donner votre chemise!
– Pourquoi vous réclamez? Vous gagnez de nouveaux vêtements et encore vous faites du charme? Vous devez même rester pauvres!
Avec celui-là, je n’ai même pas essayé de parler… Des gens comme ça vous ne pouvez pas essayer de parler, ils ont beaucoup d’éducation, de haut niveau social, vous savez… bientôt ils commencent à frapper. Celui-là a été trop fort pour un dialogue, alors j’ai pris ma chemise d’un gâteau de chiffons. Il a pris l’autre extrémité. Il l’a tiré et moi je l’ai tiré et la chemise s’élargissait. Bientôt il pourrait servir à tous les deux. L’homme n’a pas apprécié et a appelé quelques amis. Ses amis, car je sais qu’ils n’étaient pas mes amis. J’ai couru. Le problème a été les nouvelles chaussures. Je n’étais pas habitué à eux… Les hommes ont couru après moi et ils m’ont pris… ils m’ont frappé – mais juste un peu – et ils m’ont jeté d’un ravin. J’ai roulé, roulé, roulé jusqu’à arriver là-bas. Ici c’est bon, moi et mon chien nous l’aimons beaucoup, il n’y a pas de gens et à l’occasion on jette des ordures avec de la nourriture des riches, mais bien sûr un viaduc c’est beaucoup mieux. Il y a des places qui sont trop mauvaises, il y a des places qui sont meilleures…
La prison c’est vraiment mauvaise. Je veux dire… ce n’est pas mauvaise, mais on ne peut pas sortir ou avoir un chien. Il y a de la nourriture, il y a des boissons. Il n’y avait pas un chien, mais il y avait une Ourse et un Coyote. Je ne l’ai jamais dit?
Le coyote m’a demandé d’être sa femme. L’ourse m’a demandé d’être son mari. Ils disputaient tellement…
– Calmez-vous, calmez-vous, ne vous battez pas!
Ça n’a fait rien, personne ne m’écoute! Ils se sont battus tellement qu’ils ont fini par se tuer. Juste devant moi! L’ourse a embrassé le coyote. Le coyote a embrassé l’ourse. Ils ont roulé d’un côté à l’autre, toute la nuit. Et je regardais seulement. Ils ont roulé, roulé… Et je pensais… c’est bon la prison, mais je ne veux pas rouler tout le temps d’un côté á l’autre… au-delà de prendre ma liberté je vais devoir passer le reste de la vie en roulant sans m’arrêter. Je suis allé dormir un peu. Lorsque je me suis réveillé, ils étaient là, tous morts devant moi. L’un a tué l’autre et l’autre a tué l’un. Et tous les deux ont été morts, bien sûr.
Un grand nombre de gens regardaient. Les prisonniers et les gardes ont cru que c’était moi! Ils ont vu les morts là-bas, devant moi et je dormais… je ne sais pas… peut-être ils ont pensé que j’étais somnambule. Il suffit de savoir que j’ai commencé à recevoir des cadeaux. Des magazines, des bonbons, des gâteaux, des papiers blancs, de l’enveloppe avec de l’argent, des armes, des couteaux, des revolvers, des mitraillettes…. des cigares et des cigarettes il y avait une pile grande comme ça. On me traitait comme si j’étais le propriétaire de la prison. Même les gardiens me respectaient. Ils ont tout fait pour moi: ils nettoyaient ma cellule, ils ont lavé mes vêtements, tout. Il ne manquait que me lécher! J’avais besoin de mon chien, mais je ne peux pas réclamer. On m’a même donné une chemise de la sélection! Cela que j’ai dit avant, vous vous souvenez? Eh bien… Puissant! J’étais tellement important que l’avocat est venu et m’a libéré de la prison! Le même avocat qui m’avait laissé aller en prison pour avoir volé une chemise de la sélection. Peut-on comprendre ces gens?
Je me souviens bien du procès. J’étais très nerveux et ne comprenait pas très bien. Il avait un juge très agréable, qui parlait doucement, mais l’autre gars, le procureur, a déclaré:
Votre Honneur! Ce n’est pas un simple cas de vol de nourriture, ce n’est pas un simple cas d’inégalité sociale… Le vol d’un aliment pourrait même être reconsidéré sous les yeux de la justice sociale, mais quelle justification peut-on trouver pour le vol d’une chemise? Le vol d’une chemise de le sélection sera toujours un crime futile! La situation sociale n’a aucune relation avec ce cas-là, il n’est pas possible d’atténuer cet acte criminel, comme mon distingué collègue a suggéré. L’avocat de la défense essaye d’utiliser des subterfuges pour cacher la nature criminelle de son client!
Celui qui me défendait, l’avocat de la défense, s’habillait très bien… Il était si beau… Soigné… Copain… Il me disait quand je devais me lever, quand je devais m’assoir, ce que je devais dire:
– Levez-vous! Asseyez-vous! Levez-vous! Asseyez-vous! Dites « coupable »!
Il était élégant même quand il me frappait sous la table… Il parlait beau cet homme-là. Tout une merde, tout a été en vain. J’ai lui écouté à combiner d’avoir un café avec l’autre, tandis que deux gardes m’ont emprisonné… Je voulais expliquer pourquoi j’avais pris la chemise, mais personne n’a voulu m’entendre! On ne m’a pas laissé! Mon avocat a dit:
– Calmez-vous, calmez-vous, vous pouvez me faire confiance, je suis habitué à défendre des gens comme vous…
J’ai même imaginé, pendant qu’ils me glissaient, s’il n’avait pas oublié de dire qu’il était comme un frère pour moi…
Eh bien, je suis sorti de la prison sans fuir, ce qui est très bon. Dans l’hospice il n’a pas été si facile. Là-bas c’était vraiment mauvais… Il a été longtemps avant la prison… Je vous l’ai déjà dit?
Ils m’ont donné une tasse de métal et comme je n’avais rien à faire je frappais les barres avec la tasse tous les jours… be-le-lém, belelém!
Il a été mauvais, mais il y avait de bonnes choses là-bas. Des bonnes choses arrivent toujours, même dans les pires endroits… Il y avait un jeune homme en blouse blanche, très agréable, il me conduisait dans une salle et ne cessait de parler à moi pour une heure. Le pauvre mec… plein de problèmes à la tête!
J’ai aussi eu des classes d’informatique. C’est vrai! Je suis diplômé en Technologie de Traitement de Données! J’ai eu des cours une fois tous les 15 jours, il a duré environ trois ans pour compléter le cours. Tercierisation une merde! J’ai été collegue de Bill Gates… et de Napoléon Bonaparte. Bill ne valait rien, mais Napoléon savait bien programmer. Nous sommes restés cachés dans le bureau du directeur et nous avons attendu l’heure de dormir du garde de nuit. Les ordinateurs que nous avons utilisé pour faire le cours étaient une camelote, mais dans le bureau du directeur il y avait un nouvel ordinateur, très bon, plein de lumières… Il ne le savait pas utiliser bien, bien sûr, mais avez-vous jamais vu un directeur qui sait comment utiliser un appareil?
Nous avons utilisé l’ordinateur de telle façon qu’un jour nous avons été découverts… nous étions en train d’utiliser l’ordinateur et nous nous sommes dormi… bien dans le fauteuil du directeur! C’est à ce moment-là que tout a commencé. Des injections tous les jours. C’était horrible. Le directeur demandait toujours qu’est-ce que nous savions.
– Je sais beaucoup de choses!
Je ne sais pas ce que le directeur pensait que nous savions, mais Napoléon a disparu… je ne l’ai jamais vu. J’ai continué avec les injections. Tous les jours! Injection dans le bras, injection dans la tête, injection dans le cul… Vous savez… certaines personnes n’aiment pas prendre dans le cul, mais ça c’est parce qu’elles n’ont jamais pris dans la tête.
Un jour, je me suis enfui. J’ai attendu l’heure de dormir du garde de nuit… Ronflant… Il a dormi tard ce jour-là, j’étais étourdi, mais j’avais pris tant d’injections qu’elles n’avaient plus le même effet. Je sais que s’enfuir n’est pas correct, mais j’étais déjà tout percé!
Je suis retourné à la rue, tout près de l’endroit où la police nous avait pris la première fois… À cette époque la police n’arrêtait pas les gens… ils nous frappaient un peu et nous menaient à l’hospice. Ils pensaient que vivre dans la rue était des choses de fou. Quand j’ai sorti de l’hospice il était différent. Aujourd’hui ils ne détiennent plus en prison. Personne ne sait où ils détiennent,  personne n’est jamais revenu à raconter.
La ville était toute différente. Il y avait même un centre commercial! Je suis resté longtemps dans les rues… Un jour, je passais devant une boutique et il y avait un placard écrit: « Prenez trois et payez deux ». Il s’agissait d’une promotion de chemises de la sélection. Mais qui achète trois chemises de la sélection? Un fou?
J’ai pensé avec le peu de maths que j’avais appris:
– Si je prends trois et paye deux, alors je peux prendre deux et payer une? Puis-je prendre une et payer zéro?
Mais ils ne m’ont pas même laissé demander. Le garçon de la boutique, qui marchait comme ça, en boitant la jambe droite, a appelé un autre, un homme fort, qui marchait comme ça, en boitant la jambe gauche. Chacun m’a pris par le bras et ils m’ont conduit dans une arrière-salle. J’ai passé une journée entière là-bas. Heureusement, lorsque les policiers m’ont jeté dans un poste de police il y avait un homme qui était une sorte de répresentant des droits de l’homme, il m’a libéré et a dit:
– Ils ne peuvent pas faire cela, vous avez été détenu dans une prison privée, c’est un crime d’enlèvement. Ne vous inquiétez pas, je vais prendre toutes les mesures pour vous.
Je ne me suis pas inquiété, mais après cela l’homme n’est jamais revenu. Une fois je l’ai vu à la télé, il était un député, un sénateur, mais il s’est engagé avec de l’argent et son parti a décidé qu’il valait mieux d’être dans un endroit moins compliqué et il devint secrétaire de sécurité.
Il m’a serré la main ce jour-là… ils aiment à me serrer la main et prendre des photos. Je pense qu’il porte du bonheur. Cette main a transformé des candidats en maire, gouverneur, député… Peut-être si je serre ma main moi aussi je vais devenir politicien?
– Ah, quelle peur…!

Quelqu’un sait où est mon chien? Il est gros, comme ça, il marche comme ça, il fait pipi comme ça, vous savez? Il a deux oreilles. Je sais que les chiens ont deux oreilles habituellement, mais je dis cela parce que j’ai rencontré un chien qui n’avait pas d’oreilles. Il a été dans le chenil de la ville. L’endroit où un chanteur de rock a eu un rendez-vous avec sa petite amie, vous vous souvenez?
J’y suis allé pour prendre la nourriture des animaux. Je sais que ce n’est pas correct, prendre la nourriture des animaux et échanger pour la nourriture que le gouvernement donnait aux pauvres. Les pauvres petits chiens, maintenant je le regrette. Ils sont tous morts!
Il y avait un chien sans oreilles. Il écoutait tout, mais n’avait pas d’oreilles. Certaines personnes ont des oreilles et n’écoutent rien, mais c’était le contraire pour cet animal. Une fois j’ai libéré tous les animaux, mais ils ne voulaient pas fuir. Il y a des animaux comme ça, on les donne la liberté et ils ne savent pas vous remercier. Ils restent là, comme des imbéciles, attendant le destin. J’ai même parlé avec eux, j’ai donné de l’instruction, de l’orientation politique, de l’amour, de la tendresse… ni même en frappant ce n’a pas fait de la différence. En tant que meneur politique des chiens je n’ai fait pas grande chose. Mais y a-t-il aucun meneur politique qui l’est?
Ce chien avait perdu l’oreille à cause d’une erreur médicale… C’était un chien chic, fidèle, obéissant, propriétaire riche… le propriétaire claquait ses doigts et l’animal venait – le chien – secouant la queue… mais le propriétaire, qui vivait seul, a eu un truc et est mort… et il n’a pas laissé une police d’assurance, un testament, de l’assurance de santé, rien… Imaginez la situation: un jour il avait une maison, de la nourriture trois fois par jour, un bain par semaine,  une tondre par mois, des vétérinaires, des boutiques, des parfums… l’autre jour la dure réalité de vivre dans les rues! Vous ne savez pas quelle horreur cette vie de chien! Le pauvre animal n’a pas résisté et a essayé de se jeter devant une voiture. Là-bas venait la voiture, l’animal se jette, la voiture s’arrête, dérape, se détourne et s’en va… l’animal n’a même pas une égratignure… Mais attendez…
– Regardez le vélo!
Pauvre animal… on l’a amené au chenil, il était blessé mais pas sérieusement, une seule oreille devait être amputée… mais vous savez, le service public… ils ont amputé l’autre oreille et il a perdu les deux.
C’est rare de trouver un chien sans oreille, mais il y a beaucoup de chiens sans queue. Mais à quoi vaut la queue d’un chien de toute façon? Il y a toujours le risque de laisser la queue attachée. Et le plus ils secouent la queue le plus dangereux il est. Secoue ici, secouer là-bas, et un jour sans l’espérer, on peut attacher la queue. Mieux vaut avoir une queue courte.
Également la queue n’aide pas quand on doit nager. Mon chien ne savait pas nager, j’ai eu lui apprendre. Une fois quand nous vivions sous un pont, il y a eu une inondation ici. L’eau est montée si haut que nous avons eu sortir en nageant. Quelqu’un a sauvé les gens, c’était pompier, police, beaucoup de gens. Ils ont jeté une corde, mais le chien ne sait pas grimper des cordes. Avez-vous essayé d’enseigner à un chien à grimper une corde? Mon chien est sorti en nageant, mais je n’ai pas eu de la chance et je suis été sauvé par les pompiers. Ils conduisaient les flagellés à un abri. Il était plein de gens là-bas, un gymnase, immense… Je les ai dit que je ne voulais pas y rester, que je ne pratiquais pas de l’athlétisme, mais personne ne voulait m’entendre, ils ne m’ont pas laissé partir. Ils avaient des oreilles, mais ils ne m’écoutaient pas. J’ai du rester.
Les familles avaient perdu leurs maisons dans les inondations et recevaient de l’aide de tout le monde. Nous y sommes restés pour longtemps. Une semaine a passé, deux, trois … l’inondation s’était passé, mais les gens restaient là-bas. La presse est venue et a pris des photos, et a filmé.
– Faites des visages de flagellés! Plus triste!
Ils nous ont envoyé de la nourriture, ils ont fait des programmes afin d’amasser de l’argent et tout le reste… mais personne ne nous a jamais invité à un programme… Il y avait beaucoup de nourriture, je n’ai jamais mangé tant de biscuits. Il y avait aussi beaucoup de vieux vêtements. Je n’ai jamais vu autant de vieux vêtements. Je ne sais pas où ils les ont obtenu! Il doit y avoir une quelque usine de vieux vêtements quelque part. Les vêtements sont déjà fabriqués déchirés à l’entrejambe ou sous l’aisselle.
Je n’avais rien à faire, je jouais avec les enfants. Je ne sais pas d’où autant d’enfants sont sortis. Je veux dire, je sais d’où ils sont sortis, j’ai même aidé à accoucher un bébé dans le gymnase, mais je ne sais pas comme il y a autant d’enfants dans le monde!
Une nuit, une femme gémissait… je suis allé là pour aider… quelqu’un a appelé une ambulance, mais personne ne savait quoi faire alors que les médecins ne sont pas arrivés. Alors j’étais là, en train de faire un accouchement. Situation complexe, la femme se tordant avec des douleurs et moi je criais :
– Sortez, mon garçon, viens dehors!
Pensez-vous que le garçon m’a écouté? Pensez-vous? Non! Il restait  à l’intérieur, où il était chaud, bien bon, et pas de sortir. Et je calmais la femme:
– Calmez-vous, j’ai aidé à accoucher beaucoup de chiens!
Mais elle ne voulait pas se calmer. Je ne savais pas si je devais mettre la main et tirer, ou si je devais attendre… les personnes regardaient autour et ne faisaient rien. Ni même des idées ils donnaient. Des imbéciles. Enfin, le petit a mis sa tête dehors pour un coup d’œil… je ne savais pas si je tirais la tête, si je pressais le ventre de la femme… oh, quel angoisse! C’est pourquoi je préfère les chiens, tout est plus efficace.
La femme était toujours en hurlant de douleur, mais l’enfant était bien malin et était déjà presque sorti:
– Calmez-vous, calmez-vous, tout ira bien… le pire qu’il peut arriver c’est d’avoir un mort-né ou de mourir par l’absence d’un médecin!
J’étais prêt à renoncer et à faire l’enfant retourner dedans, mais je ne pouvais pas laisser le service dans la moitié, non? Ça serait un tel dérangement de se promener avec la moitié de l’enfant dehors et l’autre moitié dedans. Et pensez à l’inconvenance de ne pouvoir pas s’asseoir.
– Allez, mon garçon, sortez bientôt! Poussez, femme!
Ô garçon têtu! Il a pris longtemps pour sortir. Il n’est sorti que lorsque les médecins venaient d’arriver. Quand les médecins sont arrivés, elle a poussé un peu plus et… plop! Le petit est sorti. Les médecins ont pris soin de tout, mais la mère a été très reconnaissante. Elle voulait même que j’étais le père de l’enfant. Encore cette histoire de vouloir nous procurer des parents…
La vie à l’abri devenait ennuyeuse, les gens ont retourné à leurs emplois et même ceux qui n’avaient pas de maison avaient besoin de travailler… Ils ont commencé à laisser les enfants à mon soin. Au début, c’était juste les enfants grands, il était facile car je courais tous les jours avec eux à l’intérieur du gymnase, d’un côté à l’autre… mais après ils ont commencé à laisser les petits enfants aussi … un, deux, trois… Il devenait trop compliqué. Échanger la couche, nettoyer, nourrir. Tout en même temps. Et quand il était l’heure d’allaiter? Tous les affamés, il manquait des tétines pour autant de bouche… Je devenais maigre, maigre…
Enfin tout le monde est parti, même ceux qui n’avaient pas de maison, et j’ai pu retourner à mon chien. Il était là à m’attendre… Il ne m’a pas embrassé, il ne m’a même sourit en aboyant, mais je sentais qu’il était content de mon retour! Il n’a pas été seul tout ce temps, il a eu une aventure avec une chienne, mais c’a été quelque chose de superficielle, rien d’important. C’était de ma faute, j’ai été loin pendant plus d’une année et je ne l’ai fait un seul appel téléphonique! La communication est très importante dans une relation. Vous ne pouvez pas vivre avec quelqu’un sans le dialogue.
Ah, en parlant de dialogue… vous connaissez l’histoire du tigre? Cette pièce de théâtre, je ne vous ai pas dit?
J’étais là-haut, en présentant une pièce de théâtre, dans l’époque où les gens croyaient dans les arts, tout le monde venait me complimenter, prêts à me donner un prix, une aide à me présenter en public… Alors une femme puissante est venue, pleine de la raison elle a dit que ma pièce n’avait pas la correcte connotation politique. Comprenez-vous cela? Moi non plus… mais un autre homme est venu et a complété:
– Monologue? Monologue… ce n’est pas de l’art.
Je me suis resté assis. Je n’ai même pas bégayé. Et le propriétaire du texte, pour compliquer les choses, m’a demandé un million de dollars pour présenter sa pièce… vous le savez? Cet italien qui feindrait d’être un socialiste et a remporté le prix Nobel… comment s’appelait-il? Un million… Pauvre gars… s’il savait que son texte n’est même pas considéré de l’art dans ce pays-là… peut-être il pouvait faire une réduction.
Eh bien, laissez-moi continuer, je dois trouver mon chien. J’aime beaucoup les petits chiens… Les politiciens, les professeurs, les directeurs… aucun ne vaut ce qui vaut un chien. Savez-vous pourquoi les chiens sont des créatures de confiance?
– Parce qu’ils n’essayent pas de faire semblant tout le temps qu’ils sont des personnes.

(FIN)

   Copyright Victor Sant’Anna 2002

Safe Creative #0710020005298


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